Le Renouveau d’Evangelion
 

Première pensée
Doutes

" Qui sommes-nous ? "


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Le 27 novembre 2015
Appartement de Misato, le soir
 

Misato se tenait devant la porte de la chambre de Shinji.
Cela faisait maintenant huit jours que l’"incident Kaoru" avait eu lieu, et l’enfant s’était depuis enfermé dans une mélancolie glaciale. Il était d’ailleurs d’une violence inhabituelle envers ceux qui l’approchaient.
Mais ce jour-là, Misato pensait pouvoir aider Shinji, car elle venait de comprendre que ce qui l’affectait tant était moins la perte d’un ami que l’idée d’avoir tué de sang froid cet être auquel il s’était attaché.
Il y avait d’ailleurs quelque chose d’irrationnel dans cette amitié : Misato ne comprenait pas comment un tel lien s’était créé en si peu de temps.
Mais qu’importe.
" Shinji ? "
La réponse était plus proche du hurlement hystérique que de la phrase intelligible.
" LAISSE-MOI TRANQUILLE ! ! ! JE RESTE SEUL ! !
- Je pense avoir la réponse à une de tes questions.
- Je m’en fiche ! Tu vas encore me dire que j’ai eu raison de tuer Kaoru !
Shinji kun …
Tu devrais en parler à Rei.
- N’importe quoi ! Elle n’est même pas humaine ! De quoi est-ce qu’on pourrait parler ? !
- De Kaoru, elle est très proche de lui …
- J’irais si j’en ai envie ! "
Sourire de Misato.
"  C’est une bonne décision que tu es sur le point de prendre. "




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Le 28 novembre 2015
Geofront, Escalier menant aux salles de tests
 

Shinji faisait un effort démesuré pour ne pas s’abandonner à ses émotions.
Il avait du mal à concevoir que la personne, ou la chose, qui se tenait en face de lui pouvait ne pas avoir été procréée.
‘Misato a raison’ pensait-il. ‘Rei et Kaoru ont tous les deux apparence humaine’
" Euh … Ayanami … "
Shinji se lançait. Il évaluait la perspective qu’elle ne s’attendait pas à un tel dialogue à probable.
" Ayanami ?
- Qu’est-ce que tu veux ?
- J’avais une question à te poser …
- C’est à propos de Kaoru ?
- Ça n’a rien à voir ! "
La réaction de Rei signifiait clairement qu’elle s’attendait à une telle conversation. C’était cela, plus que toute autre chose, que redoutait Shinji. Mais il était trop tard pour faire marche arrière. C’est pourquoi l’adolescent posa sa question.
" C’est à propos de toi.
- De moi ? Ou du deuxième substitut ?
- Tu es différente d’elle ?
- Elle te connaissait.
- Tu ne me connais pas ?
- Ta voix me semble familière.
- C’est tout ?
- Il existait un système de transmission de mémoire, mais il n’a pas servi depuis la mort du deuxième.
- Tu veux dire, elle me connaissait et c’est pour ça qu’elle s’est sacrifiée pour moi ?
- C’est ça.
C’est donc du deuxième que tu veux que je parle. "
Silence. Shinji avait réellement l’impression de parler à la même personne qu’avant l’épisode du 16ème Ange.
Mais le Premier Qualifié poursuivait, et elle parlait de sa précédante incarnation comme d’une autre personne.
" Je n’ai aucune idée d’à quoi elle ressemblait.
- QUOI ? ! Mais …C’est …
- Je ne lui ai jamais parlé.
- Mais toi et elle …
Enfin, je veux dire …
- Tous les êtres humains sont conçus de la même manière, mais ne se connaissent pas.
- Mais ça n’a rien à voir !
- Tu penses que je suis comme elle parce que nous sortons de la même cuve ?
- Ce n’est pas ça …
- Tu as le droit de penser ça.
Mais essaie de réfléchir.
Le fait que je pense comme elle ferait de moi une simple copie du deuxième substitut. Elle-même n’aurait été qu’un clone du premier, et ce premier …
Non.
Quoi qu’il en soit, nous faire nous succéder sans nous mettre en confrontation nous donne une part d’imprévisibilité.
Gendô ne s’est jamais douté que le deuxième se sacrifierait pour toi.
Cela fait de chacune de nous une entité unique.
Cela fait surtout de nous des êtres capables d’évoluer.
- Ayanami …
- Mais maintenant que le Dummy System a été détruit, je sais être la dernière, et il me sera beaucoup plus dur de me sacrifier qu’il ne l’a été à la Ayanami que tu as connu.
- Tu veux dire que Ayanami s’est tuée car elle savait que tu la remplacerais ?
- C’est cela.
- C’est n’importe quoi !
- Tu n’aimes pas l’idée qu’elle ne se considérait pas inférieure à toi ?
- Je n’ai pas dis ça !
- Alors quoi ?
- Et puis d’abord tu m’as dit ne pas la connaître ! !
- Ce n’est qu’une supposition.
- Ayanami, je n’arrive pas à te parler.
- C’est normal. Tu vas bientôt comprendre que tu n’aurais pas souffert si c’était moi que tu avais tué. "
Silence froid.
Shinji sentait une douleur naître en lui. Pourquoi Rei disait-elle cela ?
Voilà que Shinji ressentait de la compassion, maintenant …
" Ayanami, je ne souhaite pas te tuer.
- Pourquoi ?
- Je n’en ai pas de raison !
- As-tu tué Kaoru car il était un Ange, ou parce qu’il n’était pas humain ?
- Ayanami !
Es-tu humaine ?
- J’ai cru que tu n’allais pas arriver à me le demander …
Je ne sais pas.
- Quoi ?
- Je ne sais pas. Je n’en ai aucune idée.
- Mais …
- J’ai été créée, et non procréée. Mais à part ça, rien ne me distingue d’un être humain.
Est-ce que ça répond à ta question ?
- Jamais !
- Dans ce cas, tu devrais poser la question à celui qui m’a conçue.
- À mon père ? !
Pourquoi devrais-je croire ce qu’il me dira ?
- Car il devinera que c’est moi qui t’ai mis cette idée en tête. Et qu’il sait que je lui poserais la question moi aussi.
- Pourquoi te dirait-il la vérité ?
- Pourquoi ? "
Ayanami était pensive. Son attitude exprimait une nostalgie triste et profonde.
" Il me l’a toujours dite.
- Mais ça n’était pas toi ! C’était d’autres substituts !
- Je …
- Toi aussi tu doutes ? !
- Non.
- Alors répond, es-tu humaine ?
- Tu penses que la réponse sera aussi valable pour Kaoru ?
- Je m’en fiche !
- Alors je n’ai pas à te répondre. "
La conversation terminée, Rei, s’éloignant, semblait ne plus accorder d’importance à Shinji.
C’était ce que ce dernier se disait mais, sur ce point au moins, il se trompait.




- 3 -




Le 28 novembre 2015
Bureau administratif de Ikari Gendô
 

Shinji était arrivé jusqu’ici, mais il se demandait si il saurait faire preuve d’autorité face à cet être censé être son père.
" Qu’est-ce que tu me veux, Shinji ?
- C’est Ayanami.
- Mmh …
- Est-elle humaine ?
- Quelle réponse préfères-tu ?
- RÉPOND-MOI ! !
- Je ne vois pas en quoi elle le serait.
- Quoi !
Que …
- Ça te surprend, Shinji ?
- Je pensais …
- Tu pensais que je prendrais sa défense.
Si tu préfères, je peux mentir.
- Le mensonge ne mène à rien !
- C’est toi qui le cherche.
- Mais …
- Ecoute-moi.
Si Ayanami est humaine, alors Kaoru aussi.
- JE NE T’AI PAS PARLÉ DE KAORU ! ! !
- Si. "
Shinji commençait à se demander si il existait une personne qui ne soit pas au courant de ses problèmes.
" Shinji, n’essaie pas de me cacher quelque chose. Tu me parles de Ayanami, mais tu veux des réponses pour Kaoru.
- Non, je …
- Kaoru non plus, n’était pas humain, et c’est pourquoi il est mort.
Tu n’aurais pas eu à le tuer sinon.
- Pourquoi ceux qui ne sont pas humains doivent-ils mourir ?
- Ils nous tueraient s’ils le pouvaient.
- Ayanami est morte pour me sauver ! !
- Elle savait qu’elle serait remplacée.
- Je …
- Mais maintenant qu’il n’y aura plus d’autres Rei, la dernière ne mourra pas si stupidement.
- Ah …
C’est exactement ce qu’elle m’a dit.
- Tu vois.
- Si c’est pour les tuer, pourquoi les créer ?
- Toute entité a une fin. Entre sa naissance et sa mort, quelque chose est accompli. Mais cette chose ne sert qu’aux autres.
- Mais tu vas mourir aussi !
- C’est vrai, c’est pourquoi je n’ai rien à perdre.
- Ce que tu dis n’a aucun sens, tu as créé Ayanami pour la tuer ?
- Je l’ai créé pour la voir mourir.
- Mais à quoi ça te sert ?
- En mourant, elle donne un sens à l’existence de l’Homme.
- Mais pourquoi ?… "
Et la voix de Shinji sonnait comme la musique tragique d’une lamentation. L’enfant était bouleversé par les vérités de l’homme.
" L’Homme a pour fin de rester la création ultime, mais Dieu reste son créateur.
Créer est un moyen qu’a trouvé l’Homme pour s’affranchir de Dieu.
Créer et contrôler.
Et détruire quelque chose est une forme ultime de contrôle.
Et puis arrête de me poser cette question, je t’ai déjà dis que Rei a été utile.
- Tous mes camarades de classe sont aptes à piloter les Eva, alors à quoi est-elle utile ?
- Shinji, ce qu’elle ne t’a pas elle-même expliqué ne te sera jamais enseigné.
- Papa …
- Laisse-moi, Shinji "




- 4 -




Le 28 novembre 2015
Chambre du Premier Qualifié Ayanami
 

Rei était traumatisée. Les visiteurs n’étaient déjà pas nombreux chez elle, mais cette fois…
C’était Gendô !
Il était venu pour parler. C’était là peut-être le point le plus surprenant.
‘Pourquoi est-il venu jusqu’ici ?’ se demandait-elle.
La réponse n’allait peut-être pas tarder à venir…
" Rei, Shinji est devenu curieux.
- Il cherche juste à rejeter la mort de Kaoru sur une autre conscience que la sienne.
Gendô, pourquoi souffre-t-il autant ?
- Car il a compris la véritable nature de l’humanité, et il sait avoir tué un Homme.
- Tu lui as mentis ?
- Toi aussi. Mais il comprend que mon raisonnement est faux. Kaoru et toi sont des êtres humains, pour lui.
- Sommes-nous humains ?
- Evidemment. Turing a été le premier à comprendre ce qu’est un être humain.
Une entité différente d’un Homme, avec l’âme d’un Homme, est un Homme.
- Shinji souffrira donc toute sa vie …
- C’est probable. "
Rei déglutit avec douleur. Elle tenait enfin l’occasion de parler avec Gendô de cette chose si importante …
"  Mais tu ne me considères pas comme une humaine.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Mon corps te révulse.
- Tu m’as déjà fait la remarque à 4 ans.
- A l’époque, je comprenais.
Depuis, mon corps a changé.
- Mais pas ton âme.
- Que …
- Tu es le troisième substitut. Mais même le premier n’était pas Yui.
Tu es humaine, mais cela ne m’intéresse pas.
- Je …
- Il n’y a aucune chance pour que notre relation évolue. Mais si tu veux, je peux te traiter comme ma fille.
- Non ! Je …
- Tu voudrais qu’on soit amants ?
- Nous l’étions …
- Yui est morte. Tu n’as même pas ses souvenirs.
- Mais …
- Tu ressens tout juste de la nostalgie quand tu nous parles, à moi et à Shinji.
Le reste ne sont que des résidus de souvenirs, le plus souvent inconscients.
Yui est morte, et tu es née grâce à moi.
Ce que tu crois être de l’Amour appartenait à Yui, pas à toi.
- Tu es un monstre. Est-ce qu’au moins tu aimais Yui ?
- Si je l’aimais ? "
Il était tout aussi exceptionnel de voir le visage de l’homme exprimer quelque chose : il semblait pensif.
" Je me suis sacrifié au Plan pour Yui.
- Déshumaniser n’est pas une solution à la douleur.
- Dommage que les responsables ne soient pas de cet avis. "




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Journal de Shinji, écrit le 29 novembre 2015
 

" À propos de Kaoru, à cet ami d'un jour que j’ai été obligé de tuer.
J’ai tué Kaoru sur ordre de Misato, et avec l’arme que mon père m’a donnée : Evangelion.
Je ressens une douleur que je n’essaierais même pas de décrire.
En fait, j’ai décidé de rédiger cette note pour pouvoir la relire dans quelques années, et vérifier mes paroles avec les opinions que j’aurais alors.
Je n’ai jamais douté de l’humanité de Kaoru avant de recevoir l’ordre de l’assassiner, mais il était en fait un Ange.
Un simple Ange ?
Oui. Il était capable de se déplacer en volant, de générer un AT Field et de se synchroniser avec Evangelion.
Un Ange ? Vraiment ?
Non. Il aurait pu vivre comme un humain, personne n’aurait fait la différence.
Kaoru était-il un Ange en forme d’Homme, ou bien un Homme avec l’esprit d’un Ange ?
C’est à cette question que j’essai de trouver réponse, aujourd’hui.
Je me rappelle un camarade que j’avais au primaire, et qui avait lu un livre.
Dans ce roman, il était question d’êtres qui naissaient avec l’intelligence, la maturité et l’expérience d’une myriade de géénrations. Ils reprochaient à ceux qui les traitaient comme desenfants de ne pas voir l’adulte en eux.
Je pense que le problème de déterminer si il s’agissait d’enfants ou bien d’adultes était le même que le mien.
Pour faire la part des choses, il faut distinguer ce qui est de ce qui paraît.
Mais lequel de l’apparence et de la nature est essentiel ?
Si j’en crois la douleur de mon cœur, pour Kaoru, il ne fait aucun doute que le plus important reste la façon dont chacun voit les choses.
J’ai donc tué un être humain.
Et je ne pourrais pas me le pardonner … "
Shinji était bien trop faible pour se suicider, mais la chose la plus proche qu’il savait faire était de partir, ou plutôt, de rebrousser chemin.
Deux jours plus tard, il serait de retour chez son oncle.

Fin de la première pensée
pages: 1 * 2 * 3

Gilles Monchoux - 1998


 

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